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Nutrition animale Le marché s’effondre mais les fabricants ne baissent pas les bras

Le plan de relance et le plan protéique ont soutenu des investissements en nutrition animale, comme ici la nouvelle ligne de production chez Valorex, inaugurée en mars 2022.

La production française d’aliments pour animaux de rente pourrait perdre plus de 5 % cette année et repasser sous les 19 Mt, au niveau des années quatre-vingt-dix. Toutes les espèces reculent. Mais l’industrie investit pour sécuriser ses appros et optimiser ses process.

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La campagne juillet 2021-juin 2022 n’était déjà pas bonne, avec une perte de volume de 3,5 % pour la production française d’aliments pour animaux de rente, mais l’érosion s’est encore accentuée sur sa seconde partie. La période janvier–juin 2022 enregistre ainsi un recul jamais connu à − 5,6 % ( 8,4 % pour le seul mois de mai 2022 par rapport à mai 2021).

La seconde moitié de l’année 2022 est de surcroît mal engagée, entre la décapitalisation des troupeaux de bovins et la sécheresse qui pèse sur la production de fourrages, avec en outre une reconstitution difficile des élevages de volailles après l’influenza aviaire de l’hiver. Avec un recul de 4,3 % des aliments porcs, mais surtout de 7 % des aliments porcelets et de 5,7 % des aliments truies sur le premier semestre, et sans transfert vers les aliments complémentaires, c’est-à-dire la fabrication à la ferme, les craintes sont également fortes sur une réelle décapitalisation des élevages porcins, selon les syndicats, le Snia et La Coopération agricole Nutrition animale.

Au total, l’hypothèse d’une année à  3 %, voire − 5 % pourrait même être « optimiste », avec une perte envisageable de 300 000 à 400 000 t d’aliments bovins, idem en porcs, et jusqu’à 1 Mt en volailles… Il est donc plus que probable que la nutrition animale française s’affiche à moins de 19 Mt pour 2022.

Soutenir les éleveurs

La situation des éleveurs est particulièrement tendue, avec l’augmentation depuis 18 mois des cours des matières premières, accentuée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. « Les techniciens sont quasiment tous les jours obligés d’annoncer des augmentations de prix, depuis plusieurs mois », résume un fabricant. Les cours restent à des niveaux très élevés, même si, en juillet, les cours mensuels des matières premières, lissés sur trois mois, reculent pour le blé ( 5,37 %), le maïs enregistre + 1 % par rapport à juin par exemple, et le recul des cours des tourteaux (− 2,8 % pour le soja non OGM, − 0,4 % pour le soja conventionnel, − 6,3 % pour le tournesol et  10,3 % pour le colza) s’accompagne d’une inflation des fibres (+ 4,1 % pour la pulpe de betterave et + 3,6 % pour la luzerne).

L’aide pour prendre en charge les surcoûts de l’alimentation animale liés au conflit russo-ukrainien, devrait être débloquée à partir de septembre pour les deux catégories d’élevage, intégrés ou non. Les 400 M€ alloués par le gouvernement, complétés de 89 M€ de l’enveloppe Pac de crise devraient être intégralement consommés, les montants étant fongibles entre les trois catégories d’élevage. Ils se répartissent selon leur taux de dépendance à l’alimentation animale, c’est-à-dire la part des charges d’aliments dans le total des charges de l’exploitation. Soit une aide forfaitaire de 1 000 € pour ceux dont la dépendance s’inscrit entre 10 et 30 %, de 40 % pour une dépendance de 30 à 50 % et de 60 % pour les élevages intégrés.

Des Investissements soutenus par les aides

Grâce au plan de relance ainsi qu’au plan protéines et à des aides régionales, le secteur de la nutrition animale a pu investir dans la sécurisation de filières de production de protéines locales et l’optimisation industrielle. C’est le cas pour la trituration de soja/tournesol/colza. Sojalim passe à 50 000 t à Vic-en-Bigorre (Hautes-Pyrénées) et l’usine Sanders de Saint-Gérand (Morbihan) propose aux éleveurs de triturer leurs graines. Oxyane construit à La Côte-Saint-André (Isère) un outil de 25 000 t qui devrait être opérationnel début 2023 pour la trituration de colza. Maïsadour reconditionne dans les Landes une ancienne usine d’aliments pour triturer 30 000 t de soja. Valorex a inauguré sa nouvelle ligne de traitement de féveroles et de lupins sur son site de Combourtillé en Ille-et-Vilaine… Des investissements en production ont également été soutenus pour Sirugue SAS à Esbarres (Côte-d’Or) qui a augmenté ses capacités de production (120 000 t) en 2021 et renouvelé sa presse cette année. Aliane, coentreprise entre Nealia (Vivescia) et Sanders, vient de poser la première pierre de sa future plateforme d’aliments humides qui devrait doubler sa capacité actuelle (100 000 t), arrivée à saturation. Dans l’Ouest, Sanders et Agrial renforcent par ailleurs leur coentreprise industrielle, ASO Nutrition, qui gère depuis 2013 l’usine de Champagné (Sarthe), en lui apportant deux nouvelles usines : celle de Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine) et celle de Boussay (Loire-Atlantique), convertie depuis 2021 en alimentation biologique.

Des innovations qui visent l’optimisation

Sur les 36 produits, services et équipements pour l’élevage ayant reçu un Innov’Space cette année, plusieurs prix à découvrir lors du salon de Rennes (13 au 15 septembre), portent sur le monitoring des animaux (Aiherd, MSD santé animale, prise colostrale des porcelets chez Eureden, robot de supervision d’élevage chez Copeeks, gestion des élevages de lapin de l’Inrae…) et leur alimentation automatisée (Asserva).

La nutrition animale figure en bonne place pour des solutions nutritionnelles optimisant la digestibilité ou la santé intestinale des animaux : la combinaison méthionine + lysine encapsulée de Bewital, Sinea pour les porcelets chez Biodevas, l’aliment diététique Forcix Iron pour Idena, la solution acides aminés + polyphénols Inneus de Metex Nøøvistago (ex-Ajinomoto Europe) qui a aussi lancé sa production d’arginine, sans oublier Silvair, la solution proposée par Provimi Cargill pour réduire les émissions de méthane par l’alimentation des ruminants ou, plus largement, Megaplan, l’outil d’aide à la décision de MixScience pour réviser le programme alimentaire des porcs charcutiers.

L’ouverture à l’international reste aussi une valeur sûre pour les firmes. Ainsi, 113 exposants français (tous secteurs de l’élevage confondus mais beaucoup de nutrition) sont déjà annoncés au salon Eurotier qui se tiendra à Hanovre, du 15 au 18 novembre prochain, autour du thème « transformer l’élevage ».

Yanne Boloh

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